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Lexus et Infiniti, deux stratégies pour le luxe à la japonaise
Comment contester la domination des marques allemandes sur la voiture de luxe ? Comme les marques anglaises et italiennes – et, à un degré bien moindre, françaises – , les constructeurs japonais tentent depuis plus de vingt ans de trouver la bonne recette. Les firmes nippones ne disposent pas d’un patrimoine historique à mettre en avant et souffrent d’un manque de notoriété. Cependant, elles ne manquent pas d'arguments, ni d'expérience. Depuis les années 1990, elles ont créé des signatures spécialisées dans le premium (Lexus pour Toyota, Infiniti pour Nissan et Acura pour Honda) destinées, dans un premier temps, à conquérir le marché américain.
En dépit de résultats souvent encourageants, notamment pour Lexus outre-Atlantique, les Japonais ne sont pas durablement parvenus à contester la domination de BMW, Audi ou Mercedes. Au Salon de l’auto de Genève, qui se tient jusqu’au 15 mars, Lexus et Infiniti (Acura ne diffuse ses modèles qu’aux Etats-Unis) remettent l’ouvrage sur le métier en présentant chacun un concept-car. Lexus dévoile le projet LF-SA, qui pourrait bien préfigurer une future concurrente de la Mini, alors qu’Infiniti présente le QX30, version quasi définitive d’un crossover directement issu du nouveau coupé Q30. Les deux concept-cars portent l’empreinte de stratégies que presque tout oppose.
IMAGE DE MARQUE : FIERTÉ NATIONALE CONTRE APPROCHE GLOBALE
L’analogie fait un peu cliché, mais le concept-car LF-SA de Lexus évoque un tantinet l’univers du manga avec des formes particulièrement découpées qui assument « une dimension fun ». Chez Lexus, on ne met pas son drapeau dans sa poche : la griffe créée par Toyota se revendique du « japanese factor » : un design expressif à l'extérieur mais beaucoup plus apaisé à l'intérieur car « inspiré par le sens de l'hospitalité japonaise », précise Laurent Bouzige, qui anime le centre européen de design ED2 Toyota, installé depuis 2000 à Sofia Antipolis, près de Nice. Officiellement, rien ne dit que le LF-SA, premier concept-car réalisé intégralement par le studio européen du groupe japonais, donnera naissance à un modèle commercialisé. Reste que ce prototype s’intéresse à un segment de marché très dynamique dont on voit mal comment Lexus pourrait se désintéresser.
Design expressif et intérieur accueillant "inspiré par le sens de l'hospitalité japonaise" pour le Lexus LF-SA. | Dominique Fontenat/Lexus
Chez Infiniti, l'approche est différente. « Nous sommes fiers d'être japonais, synonyme de qualité dans l'industrie automobile, mais nous ne nous définissons pas d'emblée comme tels », considère François Bancon, vice-président de la marque, chargé de la stratégie produit. Selon lui, la culture japonaise n'est pas assez « globale » – y compris dans sa dimension technologique – pour donner du sens à une identité de marque à travers le monde. La marque cherche à « créer des voitures originales qui plaisent aux gens un peu décalés », ajoute-t-il.
STYLE : VIRILITÉ CONTRE FÉMINITÉ
Très anguleux, le LF-SA ne craint pas de « déconstruire les volumes », selon l’expression de Laurent Bouzige. On remarque surtout l’énorme calandre trapézoïdale qui barre la face avant, comme celle des derniers modèles Lexus. La marque japonaise, qui s’est d’abord inspirée des codes stylistiques allemands avant d’adopter davantage de retenue (on le lui a parfois reproché dans les deux cas), a décidé de faire preuve d’audace et d'adopter un style assez spectaculaire. Cette calandre béante – qui fait écho à celle, tout aussi surdimensionnée, des Audi – se présente comme la signature de Lexus, suggérant « robustesse et puissance ». Derrière le LF-SA, on perçoit une volonté de tirer les leçons de l’échec de la trop introvertie Toyota IQ, dont la commercialisation vient de cesser. Un petit modèle urbain concurrent de la Smart, non dénué de qualités, mais qui n’a jamais réussi à s'imposer.
La QX30 répond aux objectifs d'Infiniti, qui se revendique en créateur « de voitures originales » pour des « gens un peu décalés ». | Infiniti
Le QX d’Infiniti présente lui aussi des angles vifs mais sa recherche d'expressivité est moins tonitruante. Mélange de sobriété et de volonté de se faire remarquer (en dehors des Etats-Unis, la notoriété d'Infiniti est encore faible), les formes de ce concept-car, qui donnera naissance à un modèle commercialisé l’an prochain, sont dérivées de l'original coupé surélevé Q30. Une équation « plus émotionnelle que technologique » qui, estime François Bancon, devrait particulièrement plaire, notamment en Chine, à une clientèle plus jeune et plus féminine, modérément intéressée par un véhicule exprimant trop ouvertement un statut social.
HYBRIDE ÉCOLOGIQUE CONTRE HYBRIDE DYNAMIQUE
Pour Toyota, la motorisation hybride (un moteur électrique associé à un moteur thermique) est une seconde nature. En France, elle représente 40 % des ventes de la marque. Depuis la Prius, le numéro un mondial de l’automobile en a fait son leitmotiv et Lexus a tout naturellement suivi le mouvement, imité par les grandes marques allemandes et américaines. Pour le constructeur, le recours partiel à un moteur électrique permet de réduire la consommation (en ville, principalement) et de rendre les modèles de luxe écologiquement plus acceptables.
Chez Infiniti, on considère l'hybride – absent du QX30 – comme une source d’économie d’énergie, certes, mais surtout comme un « booster » de puissance. A bord des modèles de la gamme, le moteur électrique est mis à contribution pour offrir un surcroît de couple et rendre les accélérations plus intenses. Une philosophie différente.
Par Jean-Michel Normand - Le Monde
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